dimanche 27 mai 2012


60 % des salariés déclarent travailler dans l'urgence. Et 25 % ont à gérer un travail en une heure au plus, contre seulement... 5 % en 1984. Analyse du phénomène par Patrick Légeron, psychiatre, spécialiste du stress au travail.

Sabine Blanc pour LEntreprise.com, publié le 29/03/2007
En 2005, 60 % des salariés doivent « fréquemment abandonner une tâche pour une autre plus urgente. Ils n'étaient que 56 % en 1998. De même, 25 % ont « un rythme de travail imposé par des normes ou des délais de production à respecter en une heure au plus », contre 23 % en 1998 et seulement 5 % en 1984, soit cinq fois plus en deux décennies. Ces chiffres, tirés de l'enquête 2006 de la Dares (ministère de l'Emploi), confirment ce que de nombreux travailleurs ressentent : nous bossons de plus en plus dans l'urgence. Patrick Légeron, psychiatre, directeur de Stimulus, cabinet de conseil en changement comportemental sur le stress en milieu professionnel, analyse le phénomène et donne des conseils pour résister à cette pression.
Nous travaillons de plus en plus dans l'urgence. Quels facteurs expliquent ce phénomène ?
La pression est engendrée par deux grands types d'exigence. D?une part, la performance, c'est-à-dire être efficace. D?autre part, le temps, il faut être réactif immédiatement. Les causes sont identifiées, elles relèvent de l'organisation des entreprises, qui travaillent en flux tendus, et des nouvelles technologies car elles ont fait disparaître la notion de temps. Le phénomène de zapping augmente par exemple, c'est-à-dire que les salariés sont sans cesse interrompus par une nouvelle sollicitation demandant aussi d'intervenir en temps réel, comme répondre à un mail d'un client.
Les postes à responsabilités sont-ils les seuls concernés ?
Non, et c'est un phénomène nouveau. Longtemps, seuls les cadres étaient concernés. L?enquête TNS-Sofres menée en 2006 sur l'ensemble des travailleurs montrent que tous les salariés sont touchés quelle que soit leur place dans la hiérarchie de l'entreprise. Notons aussi qu'aucun secteur n'y échappe. Cependant, les urbains y sont plus soumis, alors que les agriculteurs restent assez épargnés car ils suivent les cycles naturels.
Le travail dans l'urgence ne présente-t-il parfois des avantages ?
Un peu de stress est inévitable et très utile : cette réaction naturelle survient devant une difficulté. Le corps sécrète des hormones qui aident l'individu à faire face, comme l'adrénaline ou le cortisol. A partir d'un certain niveau, en revanche, il devient une souffrance.
Quels sont les signes qui doivent alerter que la ligne blanche est franchie ?
Les indices peuvent se classer en trois catégories, sur lesquelles se basent les questionnaires d'évaluation. Il y d'abord les signes physiques, la gorge se noue, on ressent des palpitations, des sueurs apparaissent. La psychologie se modifie aussi, ce sont les signes émotionnels, on ressent de l'agacement par exemple. Enfin, le comportement change : accroissement de sa consommation de tabac, de café, d'alcool, diminution de l'appétit ou inversement augmentation. On va aussi se replier ou au contraire se montrer agressif.
Malheureusement, les travailleurs ne font pas attention à ces avertissements, des niveaux trop élevés sont déjà atteints lorsqu'ils réagissent. Ils sont déjà engagés dans la phase ultime, dangereuse pour la santé. Ils peuvent ainsi être victimes du burn out, le syndrome d'épuisement professionnel, tomber dans la dépression, etc.
Quels conseils donneriez-vous pour ne pas tomber dans le « mauvais » stress ?
Il faut solliciter les émotions positives car ce sont des facteurs de protection, on dit également modérateur de stress, qui lui déclenche des émotions négatives. Les émotions positives jouent le même rôle que l'huile ou l'eau du moteur. De façon concrète, il est important de prendre soin de soi par la détente, une alimentation saine, de l'activité physique.
Il convient aussi de ne pas se surinvestir dans son travail, comme il est fréquent chez les cadres passionnés par leur travail. Il est préférable de mettre une certaine distance, en se consacrant à d'autres activités, la musique par exemple.

samedi 19 mai 2012



Etat des lieux 2010

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Attentes & Perspectives


3 enseignements majeurs


Les trois enseignements majeurs livrés par le 1er baromètre du bien-être au travail des français sont de tonalité contrastée. Certains sont inquiétants, d’autres encourageants. Ils indiquent clairement la nécessité et l’intérêt d’agir : les salariés tirent la sonnette d’alarme mais reconnaissent les bienfaits des actions lorsqu’elles sont menées.
  1. Le niveau de bien-être au travail est jugé majoritairement satisfaisant par les personnes interrogées. Mais il semble s’être dégradé depuis 6 mois. Une proportion importante de personnes estime que leur travail actuel est susceptible de leur causer de graves problèmes psychologiques.
    • Le niveau de bien-être est perçu comme satisfaisant pour 64% des français.
    • Mais 45% d’entre eux considèrent qu’il s’est dégradé au cours des 6 derniers mois (59% dans les entreprises de plus de 500 personnes)
    • 33% des salariés estiment que leur travail peut provoquer de graves problèmes psychologiques, et une majorité d’entre eux (54%) ne saurait pas vers qui se tourner pour avoir de l’aide.
  1. Qu’il s’agisse des cadres, des agents de maîtrise, des employés ou des ouvriers, le bien-être au travail représente un vrai sujet. Il correspond à des attentes fortes et très concrètes.
    • 88% des personnes interrogées jugent le sujet du bien-être au travail important.
    • Bien-être au travail et productivité sont directement liés : 42% estiment que leur performance est affectée par le manque de bien-être.
    • La visibilité professionnelle, le temps accordé au dialogue dans l’équipe, l’écoute du management et le confort de l’environnement de travail sont les axes clés à privilégier.

  1. Bien qu’encore récente et insuffisante, l’action des entreprises sur le bien-être au travail est reconnue et semble même être efficace pour les individus en bénéficiant.
    • Un an après le plan d’urgence sur le stress du Ministère du travail, seules 21% des personnes interrogées ont le sentiment que leur entreprise en fait plus pour lutter contre le stress.
    • Mais 86% des salariés des entreprises qui ont pris des mesures sont satisfaits de leur niveau de bien-être contre 64% en moyenne. Leur niveau de stress est également sensiblement plus faible.
    • C’est dans le domaine de l’organisation du travail dans l’entreprise et de la reconnaissance du travail que les efforts ont été le plus perçus.

Attentes et perspectives

Un niveau de bien-être au travail globalement satisfaisant

Près de deux salariés sur trois estiment que leur niveau de bien-être au travail est actuellement satisfaisant, même si la très grande majorité d’entre eux sont « plutôt » satisfaits.
Par ailleurs les salariés trouvent dans le travail en équipe, la coopération une source de satisfaction majeure. Il y a dans ces indicateurs positifs des leviers certains de conduite du changement.

Des salariés inquiets de la dégradation de leur qualité de vie au travail

Mais le bien-être se détériore, notamment chez les cadres... Si leur niveau de bien-être reste supérieur à celui des autres catégories socioprofessionnelles, il s’est dégradé pour 47% d’entre eux. Ils expriment clairement le besoin de visibilité professionnelle comme source de mieux être, attente en lien avec l’impact des deux années de crise sur leur carrière et leur rémunération. Le confort du poste de travail et les espaces de détente sont attendus avec la même intensité que le besoin de temps et de moyens pour mieux assimiler les très fortes évolutions qu’ils rencontrent (métier, structure). Enfin ce sont les cadres qui sont les plus critiques sur les conséquences du développement des outils de communication qui impactent leur concentration et leur niveau de stress.

Mais aussi au sein de la maîtrise. Elle exprime un besoin de reconnaissance très fort. Le malaise des cadres ont désormais un impact direct sur les agents de maîtrise qui déplorent fortement le manque de soutien et de dialogue en cas de difficulté. Ils souhaitent disposer d’un accès plus facile à leur supérieur hiérarchique. Ils manquent de temps pour résoudre les problèmes de stress et les conflits qu’ils rencontrent au quotidien. La moitié d’entre eux estime que leur bien-être au travail s’est dégradé au cours des 6 derniers mois. C’est eux qui souffrent le plus fréquemment de troubles du sommeil et de l’alimentation dus au stress. Le niveau de malaise de la maîtrise est préoccupant.

Le point de vue des employés semble à l’heure actuelle un peu moins alarmant, bien que certains motifs d’insatisfaction soient clairement mis en exergue. Les aspirations d’évolution professionnelle et de reconnaissance s’expriment tout aussi fortement que chez les cadres ou au sein de la maîtrise. Les attentes vis-à-vis de la hiérarchie et de moyens permettant de réduire les tensions sont aussi assez fortes. La dégradation du bien-être est ressentie de manière moins aigue qu’au sein des autres catégories de salariés ; il n’en demeure pas moins qu’ils paraissent particulièrement exposés à la fatigue et à l’irritabilité. Leurs attentes ont trait à la visibilité sur leurs perspectives d’évolution et à l’amélioration du confort du poste de travail et des espaces de détente.

Les ouvriers tirent la sonnette d’alarme. Leurs motifs d’insatisfaction et de mal-être sont nombreux et très divers : manque d’épanouissement professionnel, mécontentement relatif aux rapports entretenus avec leurs supérieurs hiérarchiques, manque de temps pour assimiler les changements qui touchent leur métier, rythme de travail jugé inadéquat,
Surtout, ils sont ceux qui souffrent le plus d’intenses fatigues et de troubles musculo-squelettiques. La pénibilité est fortement ressentie. Physique, la souffrance des ouvriers est également psychologique.
En quête d’épanouissement et de reconnaissance, quatre ouvriers sur dix disent même avoir des difficultés à éprouver du plaisir dans leur travail au quotidien.
Parmi les salariés « en détresse » (1 sur 10 selon Ipsos) la majorité appartient au monde ouvrier d’entreprises de taille moyenne. Ils considèrent comme élevé le risque de connaître des troubles psychologiques graves (dépression, épuisement professionnel), d’autant qu’ils ne savent pas vers qui se tourner pour trouver du soutien et de l’aide en cas de graves difficultés.

La situation des salariés du privé se dégrade et les attentes sont à la mesure de l’inquiétude. La détérioration du bien être concerne tout particulièrement les entreprises de plus de 500 salariés, mais aussi les petites entreprises de 10 à 49 salariés.

Le niveau de bien-être est supérieur au sein du secteur public (71% au lieu de 61%), et pourtant le risque de « burn out » est plus important chez les fonctionnaires : ils sont aussi nombreux que les salariés du privé à considérer que leur bien-être s’est dégradé au cours des six derniers mois. Ils ressentent un niveau de stress élevé et sont particulièrement sujets à des troubles du sommeil ou à des moments d’intense fatigue. Ils déplorent un manque de visibilité sur leur évolution professionnelle, et jugent majoritairement que leur travail n’est pas apprécié à sa juste valeur. Ils expriment un besoin de temps d’échange sur le travail et les améliorations à apporter.

Le bien-être au travail : puissant vecteur d’engagement des salariés français

Pour améliorer leur bien-être au travail, les salariés plébiscitent plus le dialogue que la formation. Pour plus de bien-être dans leur vie professionnelle en général, ils demandent avant tout de la visibilité sur leur évolution professionnelle.
Pour accroître leur bien-être dans l’exercice quotidien de leur travail, l’amélioration du confort des postes de travail ou des espaces de détente, ainsi que la possibilité de dégager du temps pour discuter en équipe des moyens permettant de réduire le stress et les conflits constituent selon eux les pistes les plus pertinentes.
Une meilleure écoute et une plus grande disponibilité de leur supérieur hiérarchique leur paraît également nécessaire.
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