Entreprise et Progrès – Compétitivité française et développement durable
Comment mieux concilier le double impératif de croissance de l’économie française et de sa « durabilité » ?
Janvier 2011
Ont contribué en totalité ou en partie à la rédaction de ce rapport :
Présidents de chantier :
Jacques de Naurois : a été responsable des relations institutionnelles du groupe Total et a conduit à ce titre de très nombreuses démarches de dialogue avec les parties prenantes de ce groupe industriel.
- Béatrice Bourges - Entreprise et Progrès
- Céline Coulibre-Dumenil - Carglass
- Guillaume Desanges - journaliste
- Jean Fievet - Prodef
- Hervé Gourio - Entreprise et Progrès
- Jean Raphaël Hetier – Pepsico France
- Marie Jeanjean - Sciences po Lille
- Pierre Lefebvre - Membre associé
- Claudine Marzuoli - Banque de France
- Philippe Rambaud - Dual Développement
- Jean-Dominique Rey - Broadview Partners
Avant-Propos p.4
Première Partie p.8
Etat des lieux : réalités, prévisions, espérances et calculs
Deuxième Partie p.16
Axes de réforme
1 - L’organisation du débat public sur les enjeux de développement p.16
durable doit mieux tenir compte des problématiques soulevées
par les entreprises.
2 - La dynamique des éco-industries doit être mieux promue p.19
pour en faire une filière d’excellence française porteuse
de croissance réelle.
3 - Les entreprises doivent pousser leur organisation interne p.21
dans le sens du développement durable de façon plus proactive
et collaborative.
4 - Les organisations professionnelles ont un rôle déterminant à p.24
jouer dans l’adaptation des entreprises au développement durable.
5 - L’Etat devrait promouvoir une politique nationale de p.26
Responsabilité Sociale des Entreprises dans un cadre négocié
et contractuel avec les parties prenantes.
Troisième partie p.31
Dix propositions pour créer un cadre partenarial de croissance
durable partagée.
Avant-Propos
grand mouvement de la mondialisation. Croissance compétitive ou progrès dans le sens du développement durable ?
Le Grenelle a ouvert une méthode mais celle-ci se « notabilise », perd de son souffle et subit des entorses permanentes de la part de tous les acteurs. Il faut revenir à l’esprit d’une co-construction pragmatique et visionnaire qui conjugue nos intérêts économiques et, également, nos enjeux de société.
dynamique partenariale dont nous avons besoin pour accompagner la mutation de nos entreprises vers la croissance durable. Il faut y travailler tous ensemble si nous voulons qu’elle soit une réalité. Les entreprises doivent aussi prendre leur part d’initiative dans ce sens. Ce rapport est un appel à passer au stade organisé et contractuel de la politique d’accompagnement des entreprises dans Entreprise et Progrès Compétitivité française et développement durable
« l’économie durable », à la manière dont le gouvernement allemand vient de le faire publiquement, à l’issue d’une concertation qui a fixé un cadre national que tous les acteurs se sont engagés à utiliser et respecter.
relation constructive public/privé devrait être au coeur de toutes les politiques de développement durable.
La taxe carbone, lancée comme une avancée collective pour aller dans le sens du développement durable, s’est heurtée à un refus de la part de nombreux acteurs, dont les milieux économiques et politiques, ce qui lui a fait perdre rapidement sa légitimité. Le déficit de négociation y a été pour beaucoup. L’usage des nouvelles sources d’énergie ou de technologies avancées (OGM, nanotechnologies….) connaît un processus déceptif du même ordre : changements de règles,
perspectives controversées, hésitations politiques, altèrent la dynamique des technologies vertes dans notre pays. Les entrepreneurs ne savent plus s’ils doivent prendre des risques ou attendre des mécanismes plus stables…
A contrario, d’autres démarches comme la gestion des déchets (mise en place de la Responsabilité Elargie des Producteurs ou REP), la protection de matières naturelles, la rénovation du bâti, l’attention à la diversité, au handicap, à la santé au travail… se construisent dans des conditions plutôt consensuelles. Comment expliquer ces évolutions différenciées dans la mise en place de politiques de développement durable et comment sortir de ce climat ambigu, tantôt incitatif, tantôt décourageant, qui ralentit l’investissement et limite trop souvent sa
portée ?
Alors que la France pourrait trouver entre 0,5 et 1% de croissance dans ce champ d’innovation lié au développement durable dans la décennie à venir, la question mérite une réflexion approfondie. Entreprise et Progrès a souhaité se pencher sur cette problématique et tirer des recommandations constructives, pour concilier l’impératif de compétitivité de notre économie avec une mutation indispensable vers un modèle économique plus « durable », mieux vécu par le corps social.
Le groupe de travail s’est efforcé d’identifier les obstacles au déploiement des démarches de DD pour les entreprises françaises et de proposer des voies de progrès collectif, conciliant plus fréquemment compétitivité et DD. A partir des orientations d’un groupe de pilotage, puis des remarques d’un groupe de réflexion plus nombreux, suivies de réunions d’étape et de validation, le rapport a été soumis à une consultation élargie et discuté avec des personnalités au coeur de ces enjeux. Les conclusions qui sont présentées dans ce document reprennent ces travaux et en font la synthèse.
L’objectif est d’amener tous les acteurs à surmonter les blocages, souvent plus culturels qu’économiques, pour susciter une deuxième dynamique volontariste après celle du Grenelle : nous avons besoin d’un état d’esprit partenarial pour traiter également les deux impératifs de
croissance et de durabilité, aussi indispensables l’un que l’autre.
Résumé
Il faut mettre en place un « cadre partenarial » entre les entreprises et la société française pour bâtir une économie qui concilie mieux les deux impératifs de compétitivité et de « durabilité ». Entreprise et Progrès fait des propositions pour encourager ce cadre partenarial et pérenniser la méthode du Grenelle.
L’économie française peut tirer un grand parti du développement durable pour améliorer sa compétitivité dans les dix ans qui viennent. Mais il faut dépasser des controverses et organiser un cadre partenarial beaucoup plus constructif entre la société civile, l’Etat et le monde économique.
Le « made in France » doit signifier aussi l’excellence dans la démarche durable innovatrice, pour répondre aux nouveaux marchés et aux nouveaux besoins dans la décennie qui commence. Encore faut-il que les acteurs de la société civile veuillent bien accompagner favorablement la mutation de nos entreprises et non la complexifier, que l’on fasse le choix d’une réglementation négociée, progressive, incitatrice, et que les entreprises saisissent clairement cette demande de collaboration.
Entreprise et Progrès recommande de faire du développement durable un des facteurs de renouvellement du pacte social entre l’entreprise et la société, pour se donner plus d’atouts collectifs dans l’économie du futur.
Entreprise et Progrès propose le concept de « contrat d’action de développement et de durabilité » pour que se déploie une collaboration public/privé autour des objectifs de la Stratégie nationale de développement durable, donnant lieu à des engagements réciproques dans un cadre de collaboration juridique et économique nouveau.
Première Partie
Etat des lieux, réalités, prévisions, espérances et calculs. Un climat français ambivalent sur le développement durable. La France ne peut s’offrir le luxe d’atermoiements inutiles et de conflits
retardataires pour entrer de plain pied dans l’économie du futur. Cette économie, dont le centre de gravité est aujourd’hui déplacé vers le Pacifique, a trouvé un moteur puissant à travers le développement durable et les mutations technologiques qu’il entraîne pour « produire plus de biens, accessibles à plus d’humains, avec moins de matières non renouvelables ». Ce modèle induit plusieurs mutations en profondeur dans la façon de produire et de consommer : une évolution du mix énergétique autour de l’efficacité et des sources renouvelables, la primauté aux produits éco-conçus, l’accessibilité de l’offre aux populations les plus larges dont les moins favorisées, l’exigence d’équité et de responsabilité dans les conditions de production, la réduction des risques pour les investisseurs et la préoccupation de la santé et de l’environnement pour les
consommateurs d’aujourd’hui et les générations à venir.
Notre pays est largement engagé dans ce modèle, à travers les démarches avancées de ses grandes entreprises et grâce à des entreprises petites et moyennes, fortement innovatrices, dans un contexte que les pouvoirs publics ont soutenu plus particulièrement depuis le Grenelle de l’environnement. La filière des éco-industries, autant que les grands groupes leaders illustrent ce déploiement récent de savoir-faire français sur les marchés mondiaux. Pour autant, le contexte français reste ambigu et les freins sont forts. Au-delà de quelques courants porteurs, beaucoup de « vents rabattants » tirent les réglementations, les discours, les projets vers des schémas « as usual ». Influentes sont les voix qui retardent l’adaptation à ces évolutions et qui contestent leur
pertinence. Après des discussions souvent très conflictuelles, de nombreuses mesures des lois Grenelle 1 et 2 suscitent encore des oppositions vives sur leur mode d’application, quand leur légitimité n’est pas remise en question. Le vain combat contre le principe constitutionnel de précaution en matière de risque environnemental retarde la recherche constructive d’une diminution des risques.
Ce climat est explicable, tant le poids des avantages acquis, économiques et sociaux, les résistances culturelles et les inerties techniques, nourrissent un contexte sociétal défensif. Nous perdons beaucoup de temps sur les attendus et les peurs alors que nous devrions innover, expérimenter, entraîner de façon beaucoup plus engagée tous les acteurs de la croissance durable ; ceux-ci sont nombreux dans les pôles de compétitivité, les incubateurs, les start-up et les petits entrepreneurs, mais trop rares sont ceux qui sont suffisamment « portés » pour décoller et réussir leur envol.
En dépit d’une société civile réceptive à son message et aux valeurs qu’elle porte, « l’économie durable » pâtit en France d’un manque de volontarisme collectif : le milieu financier demande souvent de démontrer avant de pouvoir essayer ; le monde public incite beaucoup mais accompagne mal ; le milieu social est rétif aux risques et craint les conséquences de l’ouverture aux nouveaux marchés. Cette ambivalence nous coûte cher : surtout lorsqu’elle engendre de la
conflictualité et du statu quo, comme on le constate trop souvent quand il faudrait expérimenter des technologies, modifier des usages et lancer de grands projets. Elle fait la place à nos concurrents. Elle décourage les audaces, renchérit les initiatives. Et elle ralentit l’intégration de jeunes talents, ce qui est le pire gâchis, tant ce secteur attire la jeune génération qui y voit une économie porteuse de plus de sens et d’idées nouvelles.
L’adaptation du mix-énergétique mondial n’attendra pas que les Français trouvent des lieux d’installation des éoliennes ; le déploiement des nanotechnologies n’attendra pas non plus que nous ayons achevé nos discussions philosophiques sur le principe de précaution ; l’agriculture mondiale retrouvera des capacités grâce aux OGM avant que l’Europe n’ait trouvé un consensus en la matière, et que la France s’y soit ralliée! Et nos PME, malgré les lois et pactes PME auront mis la clé sous la porte avant que certains grands donneurs d’ordre ne se soient décidés à mener des politiques visant à les intégrer durablement dans la chaîne de valeur. Non pas que nos débats sur les conditions éthiques et les impacts sociaux des technologies vertes, sur le nouveau partage de la valeur, soient mineurs ou inutiles ; ils sont mêmes fondamentaux et ils éclairent les risques et les enjeux d’une façon qui flatte notre lucidité et témoigne de notre conscience démocratique.
Page 10 Compétitivité française et développement durable Entreprise et Progrès Mais nous affrontons ces problématiques avec deux défauts majeurs :
a) nous ne savons pas avancer suffisamment par la voie de l’expérimentation et de l’évaluation, d’une part ;
b) nous ne dégageons pas des méthodes de consensus scientifiques, compréhensibles, pour concilier encadrement et initiative, d’autre part. Bien des ratés - de la taxe carbone aux péages urbains, de l’agriculture bio à la contestation de Reach, en n’oubliant pas les débats publics frustrants et paralysants de ces dernières années pour orienter nos grands choix d’infrastructure - jalonnent notre engagement laborieux dans l’économie durable. L’approche dispersée des marchés mondiaux des éco entreprises révèle bien notre difficulté à imposer une marque de fabrique nationale dans les technologies environnementales où nos points forts sont pourtant réels. Contrairement à nos proches partenaires économiques, nous n’avons pas tellement repensé nos meilleures offres en termes « durable », qu’il s’agisse de l’automobile, ou des produits agro-alimentaires ou transformés. Comme si nous donnions le sentiment de ne pas trop y croire. A moins que nous ne soyions trop attachés à nos offres traditionnelles ! Réflexe paysan : on sait ce qu’on risque, on ne sait pas ce qu’on gagne. Mais la terre change d’axe et de modèles de référence à toute allure. Le mouvement s’est accéléré ces dernières années et notre vitesse d’adaptation est insuffisante. Preuve en est, le temps qu’il a fallu au milieu académique et aux acteurs de recherche-développement pour s’intéresser aux questions d’écoconception, aux marchés dits du bas de la pyramide et à l’économie circulaire. Nous faisons une erreur de diagnostic : nous ne voyons pas de façon assez positive le modèle durable auquel le monde aspire. Nous perdons un temps précieux, alors qu’il est déjà à l’oeuvre. La complexité des relations entre les acteurs peut être surmontée. Notre conviction est, bien sûr, que le Développement Durable, ne doit pas se fairecontre l’emploi et la création de richesses dans nos pays. Nous voyons bien que nos entreprises subissent ou parfois ont une attitude ambiguë face au « dumping social et environnemental » qui caractérise largement la globalisation des échanges.
Mais, dès lors que nos sociétés occidentales réclament pour elles-mêmes des exigences sociales et environnementales croissantes, comment concilier notre impératif de compétitivité avec les écarts de développement des pays émergents que nous acceptons mal ? Or, il ne faut pas s’attendre à ce que la gouvernance mondiale permette de régler ces problèmes à court terme (cf. déclarations de Pascal Lamy, directeur général de l’Organisation Mondiale du Commerce). Faut-il alors sacrifier l’objectif du développement durable à cette difficulté politique, tant que l’Union Européenne (cf. rapport du Parlement européen sur les clauses de RSE - Responsabilité Sociale des Entreprises - dans les accords d’échange) et l’OMC n’introduiront pas de clauses sociales et environnementales strictes dans le commerce international. Ce qui mettra probablement une génération… ! Cette question relative à la gestion des échanges internationaux se double d’une difficulté concernant les rapports entreprises-Etat-société dans notre propre pays.
Si les entreprises françaises ont commencé à s’intéresser à l’enjeu du développement durable au sens des « objectifs du millénaire » des Nations Unies et des bonnes pratiques recommandées (cf. Global Compact des Nations Unies, principes directeurs de l’OCDE etc.), leurs démarches se heurtent à deux types d’obstacles importants : une aptitude au dialogue et à la négociation insuffisante de la part de leurs interlocuteurs de la société civile et une faible reconnaissance
des efforts engagés par les entreprises de la part des acteurs publics. De fait, le contexte d’opinion reste largement celui hérité des années 80 où s’est forgée une idéologie « anti multinationale » à partir des critiques du capitalisme financier, nourrie par les accidents environnementaux, certains comportements prédateurs fortement symboliques, la crainte des bulles favorisées par une fiscalité volatile et les emballements d’un certain business hors des sentiers de « l’éthique des affaires », jusqu’à l’époque la plus récente. Ce climat polémique a
occulté les efforts de transparence, d’engagement local et d’implication environnementale et sociale qui se sont réellement développés depuis deux décennies au sein des grandes firmes. L’exemple du secteur pharmaceutique empêtré dans la critique de son attitude en Afrique du Sud (cf. 1990 Pretoria1 1 Le procès de Pretoria avait focalisé l’attention du monde entier sur la question de l’accès des malades du Sida aux versions génériques des trithérapies existantes. Remporté par l’Etat sud-africain en avril 2001, le procès a permis à ce dernier d’importer et de fabriquer localement autant de génériques que nécessaire, de manière à faire baisser les coûts du
système de santé publique en médicaments.) démontre que cette problématique d’opinion est devenue un élément à part Page 12 Compétitivité française et développement durable Entreprise et Progrès entière de la négociation sur la répartition de la valeur, auquel on parvient
difficilement à échapper sous la pression de la société civile.
Le secteur pétrolier, le secteur chimique, en dépit d’efforts qualitatifs très importants dans leurs process, ont du mal à échapper à la culpabilisation primaire d’une opinion qui évalue mal le compromis complexe que l’industriel doit faire tous les jours entre l’amélioration des pratiques et la tension des coûts. Et peut être aussi les activités soupçonnées d’indifférence sociétale « vendent - elles » mal la sincérité de leur engagement de progrès sur le long terme ! Il y a dans la question du développement durable un enjeu de positionnement pour les acteurs, ONG et syndicats d’une part, et un enjeu de gestion du contrat avec ses autres parties prenantes (société civile mais aussi parlement) pour l’entreprise d’autre part. Du coup, des représentations et des jeux de rôle issus d’une époque de non dialogue perdurent encore, sous estimant les progrès
considérables qui ont été faits dans les pratiques réelles des firmes internationales, dans leurs implantations au « Sud » tout particulièrement. Une fois cette problématique identifiée, il faudra là aussi chercher à la dépasser à travers un nouveau contrat social qui mettra mieux l’économie en phase avec la société. Le concept de « croissance durable » peut être la base de ce contrat,
mais il faut reconnaître que ses conditions locales et générales de mise en place - négociations, expérimentations, fiscalité, normalisation… - sont largement à inventer. Le contexte de repli « post-Copenhague » est un défi pour les entreprises. La tentation est de croire aujourd’hui que l’absence d’engagement international contraignant concernant le réchauffement climatique laisse chaque pays libre d’avancer à son rythme. C’est en partie vrai si on en juge par le fait qu’on parle
désormais de « politiques d’adaptation », misant pour l’essentiel sur les technologies vertes. En réalité, les grands acteurs ont pris acte du réchauffement de 2°c à l’horizon de 2050 et font le pari que les innovations et les changements opérés chez eux, d’ici là, éviteront l’emballement, permettront de rééquilibrer la négociation et donneront du temps aux populations concernées pour entrer dans des changements de comportement vertueux. La course à « l’adaptation chacun pour soi » est bien lancée. C’est une nouvelle compétition économique qui naît, dont l’enjeu est la maîtrise des technologies vertes et des savoirs afférents à la nouvelle « green economy ».
En France, paradoxalement, la somme des non-dits et des compromis issus du Grenelle de l’environnement, dans un contexte de réorganisation forcée des règles de marchés et de régulation après la crise, compliqué par l’absence de visibilité sur la gestion à venir des coûts du carbone, ont malheureusement fait du développement durable un synonyme de contraintes dont il faut avant tout faire reculer le calendrier d’application. Cette perception psychologique s’est installée au détriment d’une analyse objective des opportunités ; elle est portée largement par les organisations professionnelles gardiennes des équilibres institutionnels en place. Le climat est
redevenu défensif. Les relations entre acteurs se referment sur des aménagements réglementaires et la vision d’avenir se rétrécit. Les potentialités offertes par l’innovation et le dialogue, consubstantielles au développement durable, intéressent moins les décideurs. Ces derniers font leur « la politique des petits pas » plutôt que celle de l’audace créatrice ; ils ont tendance à laisser les nouveaux responsables de développement durable mis en place dans leur
organisation gérer des aménagements fonctionnels à la marge plutôt que de rechercher l’inflexion des modèles économiques. Le sujet a été compris mais chacun tient à l’intégrer à sa manière, à sa vitesse, pour que l’évolution ne se fasse pas au détriment des marges. Le modèle durable progresse, mais à l’intérieur du modèle actuel, alors qu’il devrait se risquer vers des directions nouvelles en matière de « découplage » (moins de ressources pour plus de production) et « d’accessibilité » (des produits adaptés à de nouveaux marchés et de nouveaux besoins), sachant que les coûts de production seront inéluctablement tirés vers le haut, plus que jamais, pour intégrer plus de normes, d’équité et d’externalités. La transition vers le modèle durable ne se fera pas à « process » constant ; il faudra plus d’innovations, plus de dialogue, plus l’accompagnement et de péréquation. C’est ce qui permettra de faire des « sauts » pour dégager des nouveaux usages et des prix plus bas demandés par les nouvelles dynamiques de marché. Les entreprises qui l’auront compris et qui joueront le jeu de la remise en cause de leur offre dans ce sens plus « durable » seront les grandes gagnantes d’ici 2020. Le développement durable reste pourtant la grande perspective de progrès pour nos entreprises. La donne démographique impacte toutes les autres. L’appel à la consommation des 2 à 3 milliards d’individus qui vont se présenter - en plus des 4 à 5 milliards actuels, d’ici 2050 - mettra toutes les ressources en situation de tension. Ceci fixe le cadre de notre économie future. Il s’appelle « la croissance durable ». Découplage production-ressources, accessibilité aux biens, demande d’équité, de responsabilité dans la gestion des marchés, diminution des risques, confiance des
acteurs locaux, sont de plus en plus indispensables pour nos entreprises si elles veulent continuer de vendre et de croître sur les marchés dynamiques. Ce modèle durable peut paraître complexe, lointain, déstabilisant, mais il est vital. Il appelle un management innovateur, au contact direct des parties prenantes et un autre cadre collaboratif par essence. Les entreprises françaises ont toutes les capacités pour s’approprier ce modèle, à condition qu’elles-mêmes le fassent fonctionner sur leur marché historique, l’Europe, et dans leur gestion courante avec leurs investisseurs, leurs régulateurs, leurs salariés et leurs fournisseurs. Le développement durable commence chez soi. Il présente l’énorme avantage de favoriser la transition d’un modèle à l’autre, autour de quelques clés de fonctionnement, pour économiser de la conflictualité, pour diminuer des risques sociaux et environnementaux, de réputation aussi, pour favoriser l’intégration d’innovations et de nouveaux usages dans un monde ouvert. Le rôle des acteurs économiques - chefs d’entreprises, cadres, partenaires de l’entreprise, responsables institutionnels - n’est plus d’hésiter sur l’inéluctabilité ou la vitesse du mouvement. Il est de l’entraîner et de l’orienter. Il est de le rendre possible, constructif, efficace. Il est de s’engager dans cette voie pour entraîner le cadre institutionnel et sociétal et l’infléchir en conséquence, en perdant le moins de temps possible dans les faux débats ou ceux du passé. La communauté économique doit prendre sa responsabilité pour dire à la communauté nationale ce qu’elle veut, ce qu’il faut faire et s’ouvrir à l’adaptation du pacte social qui en découlera. Dans un contexte de mutation intense des rapports entre salariés et entreprises, entre investisseurs et entreprises, entre régulateurs et entreprises, le développement durable offre l’opportunité d’un nouveau pacte social à construire entre l’entreprise et la société. Il doit se fonder sur un projet de recherche de consensus, pour faire accéder plus de consommateurs et de citoyens à une prospérité attendue, dans des conditions socialement et environnementalement équitables et soutenables. Tel est l’enjeu du moment pour nous. Cet enjeu est celui de la décennie dans laquelle nous entrons.
Le développement durable peut mobiliser fortement en faveur de la compétitivité française.
La compétitivité est pour nous Français un impératif premier parce que nos structures de coûts, notre gestion publique et notre cadre social n’ont pas la capacité d’adaptation que nous imposent directement nos partenaires et nos concurrents économiques. Parmi les efforts collectifs qu’il faudra faire en modernisant notre appareil productif à base d’innovations à haute valeur ajoutée, il y a la question du renforcement du lien social, source d’engagement des cadres et de motivation des salariés. Celuici s’est fragilisé dangereusement dans la période passée. L’intéressement aux résultats financiers, la gestion du bien être au travail, l’autonomisation des responsabilités, la qualité du dialogue interne sont des voies utiles à la régénération du pacte social. Mais il en est une plus essentielle encore, à la fois traditionnelle et tout à fait nouvelle : c’est la nécessité de donner un sens au projet de l’entreprise en le reliant aux enjeux généraux de la société, de la planète et des hommes. L’engagement dans le sens du développement durable
peut être, dans bien des cas, un de ces chaînons - là. Car il permet à l’entreprise de saisir à la fois les opportunités de croissance qu’offrent les perspectives du « nouveau monde », d’y adapter son modèle de fonctionnement et de donner un sens et une perspective à la collectivité de l’entreprise. Pour cela, il ne faut pas que le développement durable soit posé comme un
règlement de comptes ou un cadre de contraintes à l’égard d’entreprises auxquelles on aurait retiré sa confiance ; il faut qu’il soit posé par la collectivité toute entière comme un cadre de partenariat qui va faire se rejoindre la création de richesses et la résolution de nos problèmes contemporains parmi les plus cruciaux. Le nouveau modèle durable est une « offre de projet » à saisir par nos entreprises pour trouver un nouveau souffle, pour justifier leurs projets conquérants, pour accompagner leur gestion rigoureuse, pour relayer leur adaptation continue. Si la communauté économique française sait intégrer le projet industriel et économique national dont on a besoin dans un projet global d’amélioration du développement planétaire, il n’est pas de doute qu’elle saura mobiliser les talents et les énergies nécessaires.
Deuxième Partie
Axes de réforme
Il faut dépasser ce constat insatisfaisant des rapports « entreprises et société » en France au regard des enjeux de développement durable : un nouveau contexte partenarial est à proposer et à bâtir pour faire perdurer l’esprit de compromis positif du Grenelle de l’environnement.
Les grandes orientations de ce pacte reposent, selon nous, sur la gestion plus équilibrée du débat public, le soutien aux éco-entreprises, l’intégration de la RSE (Responsabilité Sociale des Entreprises) dans la politique publique, la mobilisation des acteurs professionnels et un cadre de fonctionnement sociétal qui favorise les compromis dynamiques.
1 - L’organisation du débat public sur les enjeux de développement durable doit mieux tenir compte des problématiques soulevées par les entreprises.
2 - La dynamique des éco-industries doit être mieux promue pour en faire une filière d’excellence française porteuse de croissance réelle.
3 - Les entreprises doivent pousser leur organisation interne dans le sens du développement durable de façon plus proactive et collaborative.
4 - Les organisations professionnelles ont un rôle déterminant à jouer dans l’adaptation des entreprises au développement durable.
5 - L’Etat devrait promouvoir une politique nationale de Responsabilité Sociale des Entreprises dans un cadre négocié et contractuel avec les parties prenantes.
1 - L’organisation du débat public sur les enjeux de développement durable doit mieux tenir compte des problématiques soulevées par les entreprises.
a) L’organisation du débat public en France est encore trop bureaucratique et fondée sur la défiance des acteurs. La réforme du débat public et la question de l’expertise n’ont été que partiellement traitées dans les lois Grenelle 1 et 2. On n’a pas osé sauter le pas et confier aux
acteurs le soin de s’approprier la gestion du dialogue et la construction des cahiers des charges. Comme le dit ouvertement le Conseil d’Etat, c’est toute la logique du débat public qui est à repenser à l’ère de la démocratie d’opinion et de la démocratie numérique, loin des mécanismes de l’enquête publique du siècle dernier qui perdurent de façon obsolète.
b) Les entreprises devraient pouvoir mobiliser aisément des organismes de dialogue et de conciliation pour arbitrer certains enjeux. La gestion des relations avec les parties prenantes est chaotique et rare dans nos entreprises. Elle n’a pas tiré parti de l’apprentissage du dialogue social. Ou plutôt, lorsque ce dernier est vivant, les entreprises voient tout changement de règles
comme un risque. Et quand le dialogue est très limité, les entreprises ne prennent pas de risques non plus. L’excellent rapport de Jean-Luc Vergne, remis à l’ORSE en 2002
c) Les règles du débat public devraient aussi procéder d’un consensus entre les parties, dans un cadre administratif beaucoup plus souple. Il a présenté ce qu’il fallait faire pour introduire les enjeux de RSE dans la négociation sociale mais combien d’entreprises cherchent à l’appliquer ? C’est pourtant en ouvrant des espaces et des formes originales de discussion, en proposant des mécanismes de concertation à la libre initiative des acteurs qu’émergeront des accords sur les questions de développement durable, hors des sentiers classiques épuisés. Les débats publics organisés par la CNDP (Commission Nationale du Débat Public) ont très largement progressé en une décennie, en qualité et en sérieux. Pour autant, s’en remettre à une autorité administrative et à des règles préimposées, n’est pas la façon de faire confiance aux acteurs, a priori, pour
convenir ensemble des règles qu’ils s’engagent à respecter. Tant que le débat ne sera pas constitutif du mécanisme de décision des projets et qu’il ne sera pas intégré à la définition des cahiers des charges, on restera dans des approches contestables et contestées entre l’opinion et les maîtres d’ouvrage, publics et privés, et donc mal comprises, mal acceptées. La légitimité du débat public repose sur son rôle préalable à la décision. C’est la seule façon de limiter les extrêmes et les attitudes violentes et de faire du compromis circonstancié une base de travail.
2« La RSE, un levier de transformation du dialogue social », ORSE, 9 septembre 2009
L’expertise industrielle doit avoir toute sa place dans l’analyse des données. Il n’est pas normal que la question de l’expertise plurielle soit si peu intégrée dans notre pays et que l’on sache si mal faire la place aux points de vue minoritaires, de toutes origines. L’expertise des entreprises est la victime régulière d’une sacralisation des savoirs, au profit de celle des acteurs académiques et publics.
Nous devons traiter les savoirs de manière complémentaire, reposer les règles de l’indépendance et croiser les univers de connaissance pour dégager des recommandations, en sortant des « tout ou rien » de « sachants » imposés ou se considérant comme incontournables qui bloquent les débats sur des questions de société. Il convient également de faire progresser le consensus sur les objets d’innovation souvent victime de suspicion et parfois de fantasme. De même, l’économie d’usage est sous-développée et on n’intègre pas assez les hypothèses d’expérimentation dans les débats, ni les modes d’évaluation.
d) Les entreprises doivent structurer leur dispositif d’information dans des cadres négociés et suivis avec leurs parties prenantes. Plusieurs grands groupes ont installé ces dernières années des comités de dialogue, des instances de parties prenantes et des avis d’experts d’horizons
différents, dans le cadre de leur politique de développement durable. Quelles que soient leurs formes, ces espaces d’écoute et de discussion autour des impacts sociétaux des entreprises font toujours émerger des informations utiles et intéressantes. La loi Grenelle 2 (article 225) conseillait d’en faire état dans les rapports de développement durable intégrés au rapport de gestion. Mais cette disposition a été supprimée par une autre loi, sans aucun débat, deux mois après. Cette disposition avait l’avantage d’inciter uniquement les entreprises à ouvrir l’analyse des enjeux et à crédibiliser leur traitement en proposant des commentaires à leurs parties prenantes. Faut-il craindre cette immixtion des parties prenantes et notamment des IRP dans le rapport de gestion ? Quand saurons-nous dégager des recherches de consensus « à l’allemande » ? Comme certaines entreprises y parviennent très bien, du reste, au travers de leurs accords
cadre internationaux !
e) Le politique a un rôle déterminant, non pas dans l’issue du débat mais bien plus dans la mise en oeuvre des propositions qui en sortiront. Et l’on constate que la paralysie en matière de DD ne provient pas de la lenteur du débat mais bien plus de la manière dont le politique s’en empare. La voie institutionnelle du progrès ne passe pas nécessairement par la mise en place d’un grand ministère du DD. Car le ministre à la tête de cette machine (où s’arrêtera d’ailleurs sa juridiction, à l’agriculture par exemple ?) ne pourra s’occuper de tout, ni opérer les arbitrages nécessaires. Toute la question de la finance écologique, particulièrement, est mieux placée à Bercy qui a les compétences et l’expertise en la matière. Pour autant que cette administration économique veuille bien s’investir dans ces enjeux et les considérer autrement qu’à travers leur dimension fiscale ou réglementaire traditionnelle…
Une administration de mission à vocation interministérielle placée sous la tutelle du premier ministre, à l’image de la DATAR (Délégation interministérielle à l’aménagement du territoire et à l'attractivité régionale) il y a trente ans concernant l’aménagement du territoire, avec à sa tête une personnalité de premier plan, nous apparaît comme une option plus efficace. A cette administration aux compétences transverses, il conviendrait d’adjoindre le Centre d’Analyse
Stratégique, le Conseil d’Analyse Economique et le comité de suivi de Grenelle et autres expertises publiques spécifiques et prospectives.
2 - La dynamique des éco-industries doit être mieux promue pour en faire une filière d’excellence française porteuse de croissance réelle.
a) L’innovation par les technologies vertes est le levier de l’économie durable qui concerne aussi les secteurs traditionnels et les PME. La France est dans le peloton des dix grands pays industriels de l’économie verte mais avec des trous béants, des points faibles et quelques points forts. L’innovation repose chez nous sur de très grands acteurs et des firmes intelligentes de petite taille qui auront du mal à concourir dans la compétition telle qu’elle s’engage entre la Chine, la Californie, l’Allemagne et les autres BRIC. Or, toute filière est concernée. Tout secteur a sa part de progrès à trouver à travers l’éco-conception, les nouvelles sources et manières d’utiliser l’énergie, les nouveaux usages apporteurs de plus de santé, de naturalité, de sécurité. A
travers des services qui favorisent le prix bas et l’usage à la demande etc… l’économie verte est autant un état d’esprit qu’une course à l’invention. Elle a besoin d’une sociologie porteuse. Il faut donc regarder toutes les pistes avec indulgence et accepter une très forte prise de risque financière. En misant tout sur les grands groupes, la France a réitéré l’erreur des schémas industriels centralisés. Or, ce sont les démarches indépendantes qui créeront les pépites de
demain. Il est à espérer que le Grand Emprunt aille en ce sens et impose les vues visionnaires souvent exprimées le Commissaire Général à l’investissement.
b) La filière éco-industrielle ne dispose pas encore d’une représentation d’ensemble pour se promouvoir et développer une influence suffisante dans le paysage national. Les filières vertes françaises sont aujourd’hui structurées par métiers et par techniques. Elles ont leur zone de concurrence entre elles. De ce fait, elles n’ont pas joué l’effet de puissance et elles n’ont pas constitué de lobby incarnant une symbolique de progrès collectif. Chacune défend sa réglementation et un cadre pour elle. Il est difficile d’appréhender ainsi l’équivalent du « luxe à la française » ou de « l’alimentation made in France » qui sont des marques connues et reconnues.
Les pouvoirs publics ont joué dès le départ un rôle de pilotage utile de la filière, à l’exportation tout particulièrement, mais les industriels se sont laissés porter, chacun jouant son particularisme isolé. La tentative d’Anne Marie Idrac, Secrétaire d’Etat au Commerce Extérieur, de créer un « France Green Techs », n’a pas été suivi de façon réelle par l’ensemble des fédérations concernées. Est-ce le fait d’un individualisme irrémédiable ou la crainte d’une tutelle
insupportable ? Cet enjeu caractérise bien en tout cas l’éclatement du cadre français, au sein des
administrations et entre les acteurs. Or, dans un monde où il se tient une manifestation par jour consacrée aux technologies vertes, il est clair que la France devrait disposer d’un label d’excellence pour valoriser ses meilleures innovations et chercheurs dans les « green techs », réunies dans un cadre de travail et de promotion d’envergure nationale.
c) La mise à disposition des PME des technologies vertes doit faire l’objet d’un plan national approprié. L’accès à des technologies qui font leur preuve en matière énergétique, à des
matériaux et des savoir-faire d’éco-conception, mais aussi à des technologies de gestion des déchets sont autant de leviers de progrès que les PME ont du mal à reprendre à leur compte sans une mise à disposition mutualisée. L’Ademe joue un rôle très utile en ce sens. Il convient d’aller plus loin en encourageant notre tissu économique de base à s’engager fortement dans des plans d’innovation verte, au travers des organismes consulaires et des organisations professionnelles, dans les filières de formation professionnelle, afin de bénéficier à moindre coût de ces technologies. Beaucoup a été demandé sur des questions parfois symboliques alors que sur des savoir-faire structurants, on se dit encore qu’on a le temps ou que cela ne concerne que les grands groupes. La difficulté de mettre en place des éco-organismes de gestion des déchets ou d’investir dans des programmes d’énergie renouvelable, ou de logistique de transport mutualisée, souffre du manque d’engagement des PME et TPE, par méconnaissance, et par défaut de formation, et aussi par défaut d’appui et d’accompagnement de leurs grands
donneurs d’ordre.
d) Le financement de la recherche dans les green-techs doit être sanctuarisé dans le nouveau contexte des finances publiques. L’innovation dans le champ du développement durable est aujourd’hui portée en France largement au niveau des grands acteurs publics de recherche (CEA, CNRS…). Le Crédit Impôt Recherche joue aussi un rôle fondamental, au côté des stratégies de pôles de compétitivité. Ce dispositif d’ensemble, relativement bien interconnecté, permet à la France de se maintenir dans la course. Ses effets se verront sur le long terme. Il convient donc de sanctuariser ce mode opératoire et de le renforcer chaque fois que possible, notamment autour des filières éco-industrielles qui ont été sélectionnées. La France a su organiser une dynamique d’innovation à laquelle il convient de donner une perspective à long
terme. Remettre ceci en cause ou l’affaiblir, serait une grande erreur. Bien plus, comme cela a été fait avec les industries de santé, des partenariats de filières, associant les grandes entreprises installées et les petites qui émergent, sont de nature à accélérer les idées d’innovation, la prise de brevet et les applications en vue de démonstrateurs. Il y a là un contexte intéressant qu’il faut assumer de façon positive, dans un domaine où les perspectives sont souvent aussi prometteuses que lointaines…Et qu’on ne soit pas parvenu à nommer un Secrétariat d’Etat aux éco-industries n’est pas un problème, si l’Etat et les filières s’entendent sur un projet ambitieux et partagé. Un schéma directeur contractuel à 10 ans serait utile pour stabiliser le cadre des investisseurs et des
chercheurs. Et rassurer sur les dispositifs incitatifs mis en place. Or, la mise en cause des avantages des Jeunes Entreprises Innovantes est un signal d’alarme inquiétant.
3 - Les entreprises doivent pousser leur organisation interne dans le sens du développement durable de façon plus proactive et collaborative. Le monde académique s’est investi depuis peu dans le champ du développement durable (cf. Institut du développement durable et des relations internationales et chaires des grandes écoles). Cet apport scientifique est indispensable aux entreprises qui ont trop souvent traité la question jusqu’ici de façon annexe ou marketing. Dès lors que l’analyse économique, macro et micro, apportera des outils d’analyse sur les corrélations entre performance et DD, sur l’appréhension plus fine de l’immatériel et des risques, l’entreprise se sentira plus confortable pour adapter ses concepts et innover dans ses méthodes. Le travail en cours sur l’Investissement Socialement Responsable, en particulier chez Novethic, est un levier de réflexion précieux. Le tournant en faveur de l’intégration du DD dans les comptes est décisif (Loi Grenelle 2). Enfin, la construction d’une « métrique RSE », c’est-à-dire d’une future « comptabilité sociétale » qui rejoindra la comptabilité classique, est le levier de progrès le plus prometteur, à encourager. La recommandation de l’Autorité des Marchés Financiers à ce sujet devrait susciter un chantier d’étude de la place.
a) Les entreprises doivent s’inscrire positivement dans le nouveau cadre de la loi Grenelle 2 pour structurer le reporting RSE, intégré aux comptes et à la gouvernance. Ce dispositif de la loi (article 225), concerne les entreprises de plus de 500 salariés et de 50 millions de CA, soit près de 3000 entreprises en France. Il reste un dispositif volontaire, car dépourvu de sanction. Néanmoins, il est aujourd’hui opposable et il faut encourager toutes les entreprises concernées à faire l’effort de renseigner ces données de RSE au sein de leur rapport financier, pour en débattre au sein de leur conseil d’administration et devant leurs actionnaires, et en tirer des enseignements quant à leurs risques et leurs opportunités en matière de développement durable. Elles devront aussi se tourner vers leur branche pour solliciter un suivi sectoriel des indicateurs. Cette demande est une chance pour améliorer le pilotage des entreprises, les inciter à traiter leur faiblesse en matière environnementale, à renforcer leur consensus social interne et externe, et à se faire ainsi préférer par les régulateurs, les consommateurs et les salariés et aussi
les investisseurs, à commencer par le segment important et croissant de l’investissement socialement responsable (ISR).
b) Pour avancer dans cette voie, les responsabilités RSE & DD doivent faire l’objet d’une reconnaissance spécifique dans les organisations internes. Selon leur taille et leur complexité de management, on recommandera aux entreprises de mandater un cadre dirigeant pour qu’il pilote et suive le progrès de l’entreprise vers le développement durable. Il revient à ces professionnels d’apporter trois progrès de management moderne à l’entreprise :
- La mesure de ses impacts (risques/opportunités) pour l’inciter à s’inscrire dans une recherche d’avantage concurrentiel. Ces mesures sont désormais au coeur du rapport de gestion et de la gouvernance.
- L’écoute et la compréhension des parties prenantes, afin de recevoir les signaux extérieurs de la société et du marché et de se préparer à les intégrer chaque fois que possible, pour anticiper les évolutions.
- L’animation de chantiers de progrès qui correspondent à des enjeux spécifiques et prioritaires de l’entreprise et de son secteur d’activité, afin de rechercher des avancées génératrices de gains. Former ces professionnels à ces missions et reconnaître leur compétence est nécessaire aujourd’hui aux directions générales, souvent peu préparées aux enjeux de RSE et à l’analyse de leur contribution positive.
c) Les entreprises doivent s’attacher à dépasser le cadre déclaratif de leur engagement pour intégrer le DD dans leur modèle économique. Si elles ont largement souscrit à des cadres internationaux ou sectoriels ces dernières années (Global Compact…), formalisant leur engagement, il n’en demeure pas moins que ces principes formels sont peu ou mal appliqués et ne font pas l’objet de suivi à haut niveau. Il s’en suit une perte de crédibilité des engagements des entreprises. Il est préférable de se doter de tableaux de bord de bonne gouvernance RSE et de suivre les résultats et de les comparer aux meilleurs de son secteur, si on veut se situer en logique de performance.
Dans cette perspective, l’organisation de relations suivies avec les parties prenantes et les Institutions Représentatives du Personnel doit trouver sa place dans la gestion des politiques RSE & DD et au sein de la négociation sociale (cf. modèle des accords cadres internationaux). C’est un point encore faiblement exploré par les entreprises, ce qui les prive d’une contribution prospective et préventive d’un grand intérêt. C’est dans ces dialogues que la réalité des progrès
peut le mieux se discuter si on veut dépasser effectivement le stade déclaratif et passer au stade collaboratif avec tous les acteurs « parties prenantes » du pacte social.
d) La présentation des politiques RSE & DD doit trouver sa place dans les relations avec les actionnaires et déboucher sur des « contrats de performance ». Le temps n’est pas venu encore où l’activisme actionnarial se déplacera sur le terrain des engagements de développement durable de l’entreprise. Du moins, les signaux sont étrangement faibles sur ce terrain. Pas plus qu’on ne se dirige à court terme vers un vote des résolutions d’approbation de ces politiques en
assemblée générale des actionnaires. Mais ce temps viendra, pour deux raisons. Il s’agit là d’informations qui intéressent de plus en plus les actionnaires soucieux d’apporter leur épargne à des entreprises dignes d’intérêt à leurs yeux et pas seulement performantes. Les études confirment cette tendance. Par ailleurs, il y a une corrélation entre la qualité des démarches sociétales des entreprises et leur performance globale à moyen terme. Les entreprises soucieuses d’améliorer le consensus sociétal autour de leur activité doivent tirer parti progressivement des assemblées générales pour expliquer leur démarche et recueillir l’appui des
actionnaires. L’exemple bien connu et tout à fait remarquable est celui de Danone qui au
travers de son fonds Danone Communities, associe ses actionnaires à une démarche d’adaptation aux enjeux d’innovation économique et sociale dans les marchés alimentaires encore insolvables où la firme compte jouer un rôle demain. Cette initiative audacieuse contribue fortement à la confiance dans la qualité du projet de l’entreprise et sa capacité à de projeter dans l’avenir.
4 - Les organisations professionnelles ont un rôle déterminant à jouer dans l’adaptation des entreprises au développement durable. Le DD n’est pas un sujet « mûr » pour faire partie de la négociation sociale courante. Seules la CFDT, voire la CGT et la CGC ont commencé à s’y intéresser au plan confédéral mais ils ne voient pas l’intérêt pour s’y engager au niveau de
leurs représentations de branche ou d’entreprise : « C’est une question patronale, il n’y a pas de grain à moudre, donc nous n’y rentrons pas », reconnaissent souvent certains porte-parole syndicaux.
Mais du côté des organisations d’entreprise, l’engagement n’est guère plus proactif, à quelques exceptions près (cf. ciment, propreté, médicament…).
L’absence d’appropriation volontariste et non défensive du DD par les organisations professionnelles patronales, n’encourage pas les adhérents qui sont les plus fragiles ou les plus petits à se projeter à moyen et long terme. Or, cette vision est une des conditions pour favoriser des adaptations et des mutations technologiques de façon constructive. On n’évoquera pas ici la crise structurelle qui touche ces organisations, enfermées largement aujourd’hui dans la négociation collective et le lobbying défensif à court terme avec les pouvoirs publics.
Le développement durable, défi collectif d’un secteur s’il en est, offre un champ de progrès manifeste aux branches, si elles veulent se régénérer.
Les branches ont plusieurs rôles à jouer dans ce nouveau champ d’action collective :
Les branches ont vocation à structurer les référentiels de reporting des secteurs afin de faciliter les comparaisons et les avancées.
Elles sont les espaces dédiés pour organiser un dialogue approfondi avec les parties prenantes et favoriser l’appréhension des enjeux collectifs d’un secteur d’activité.
Elles doivent pouvoir négocier avec les pouvoirs publics des conditions d’avancement incitatives des progrès en matière de DD. Certaines branches se sont engagées dans cette voie au sortir du Grenelle. Le mouvement s’est ralenti depuis ; il faudrait le relancer car ce cadre est le plus approprié aux avancées partagées. L’avenir de la politique de développement durable qui concerne les entreprises, pour des raisons qui ont trait au maintien de la compétitivité des firmes, réside plus dans les négociations sectorielles que dans les impulsions nationales qui ont la plupart du temps des effets contradictoires.
Le défi des branches est de passer sur ces sujets d’une culture défensive à une culture pro-active, d’une culture de lobbying traditionnel à une culture d’initiative, pour dégager des marges de manoeuvre nouvelles en matière de régulation. La recherche d’approches gagnant – gagnant est possible dans le développement durable, dès lors qu’on se situe dans un cadre sectoriel homogène qui lisse les contraintes, qu’on organise des péréquations justes économiquement et qu’on programme les avancées dans le temps, de façon expérimentale et progressive,par étapes…. Toutefois, les organisations professionnelles ont, pour partie, à résoudre un défi existentiel, si elles veulent passer de la justification défensive au soutien
dynamique. Le développement durable est un terrain où se pose cette difficulté : elles
devraient cesser de concevoir leur lobbying comme des manoeuvres de couloir pour arracher des dispositions à courte vue et elles devraient disposer de plans de compétitivité sectorielle à dix ans, intégrant l’exigence de « durabilité ». Les Etats Généraux initiés par le Ministère de l’Economie au profit de filières fragiles (cf. soutien aux équipementiers automobiles, comité stratégique des industries de santé…) sont des initiatives importantes qui favorisent ce tournant.
Toutes les activités devront revisiter leur rapport au collectif.
5 - L’Etat devrait promouvoir une politique nationale de Responsabilité Sociale des Entreprises dans un cadre négocié et contractuel avec les parties prenantes.
a) A la façon d’autres grands pays, l’Etat devrait affirmer l’importance de la RSE pour défendre l’excellence de notre offre industrielle. La France fait référence à la RSE comme modèle de production économique, dans la Stratégie Nationale de Développement Durable (SNDD) et au travers de quelques textes administratifs. Certes, la France s’est dotée d’un ambassadeur qui promeut le concept de RSE dans les nombreuses discussions diplomatiques sur la question (OCDE, Nations Unies, Union Européenne…). Il aura fallu attendre néanmoins la loi Grenelle 2 pour demander un suivi des objectifs de RSE par le Parlement, limité toutefois aux questions de gouvernance.
Il suffit de voir que les entreprises publiques n’ont pas de mandat spécifique en la matière pour comprendre que la France tarde encore à consacrer cet enjeu, même si elle dispose à travers l’article 225 de la loi Grenelle du dispositif de reporting le plus avancé au monde et si elle n’hésite pas à entraîner ses entreprises dans des actions en matière de bilan carbone, d’étiquetage, de
gestion des déchets, d’une façon très pressante.
Or l’Allemagne, après d’autres pays, et dans l’esprit de textes européens qui promeuvent un modèle de responsabilité sociétale de leurs entreprises, vient de se doter d’un cadre très proactif en la matière. Il s’articule autour de deux axes importants ; faire du label CSR-in-Germany un modèle d’excellence de l’industrie allemande, notamment des PME, d’une part, et promouvoir la RSE dans les négociations internationales, d’autre part. Cette consécration politique donne un
cadre de travail consensuel très utile.
b) Une politique nationale de RSE n’est pas fondamentalement l’affaire de l’Etat. Elle doit surtout procéder d’une volonté du monde économique d’afficher un mode de relation à la société et de le promouvoir dans les échanges internationaux aux côtés des pouvoirs publics. C’est pourquoi plusieurs initiatives semblent nécessaires pour que se tisse une collaboration publique-privée sur cette façon nouvelle de traiter les défis du monde contemporain. L’Etat pourrait faciliter l’appréhension des enjeux de développement durable et RSE par les entreprises à travers une interface dédiée. Le CGDD (Commissariat au développement durable, au sein du Ministère) assume aujourd’hui ce lien avec les entreprises, mais il devrait bénéficier d’un leadership sur les autres administrations concernées qui sont actuellement peu impliquées ou qui freinent les arbitrages pour des raisons qui tiennent à leurs prérogatives. L’affirmation d’un « pôle d’encouragement » à la RSE, bien identifié et disposant de l’autorité publique nécessaire, serait un vecteur de progrès appréciable pour discuter de mesures et d’initiatives collectives et publiques.
c) Premier volet d’une consécration publique de l’importance de la RSE dans la vie économique, l’Etat devrait apporter des incitations et des contreparties aux engagements de DD des entreprises qui réduisent leurs impacts ou qui s’engagent dans le sens des objectifs de la
stratégie nationale de développement durable. Sans mécanisme incitatif, le passage d’un modèle classique à un modèle plus « durable » reste parfois trop coûteux ou trop lointain pour l’entreprise. C’est en ce sens que la fiscalité incitatrice au développement durable doit faire l’objet d’études et de réflexions collectives pour trouver sa pertinence.
De même, l’utilisation des marchés publics doit être largement promue, afin de permettre aux entreprises « vertueuses » de donner un retour à leur investissement RSE. Le fait qu’un reporting objectif (indicateurs précis, vérification indépendante…) voit le jour, permet de fonder ces liens incitatifs sur des éléments objectifs et mesurés, ce qui manquait terriblement auparavant. Le troisième axe d’une politique nationale repose sur l’action attendue de la France dans les instances européennes et internationales pour la promotion de la RSE dans les relations économiques mondiales. C’est la seule façon de relever les standards des pays n’appliquant pas les normes de base (Organisation Internationale du Travail notamment) et acceptant des dégradations environnementales qui favorisent leurs coûts de production. Le consensus
progresse sur ce point. C’est un des dossiers qui pourrait progresser dans l’agenda du G20 et que la France et l’Europe devrait porter pour faire avancer une croissance mondiale plus « durable ».
d) Dans cet esprit, les réglementations en matière de DD & RSE devraient être concertées au sein d’un forum national, lié à la SNDD. Entreprise et Progrès recommande la création par les acteurs privés de ce forum national de dialogue, pour générer un consensus collectif et dégager des compromis, en prorogeant le groupe de travail du Grenelle. Mais il est souhaitable que ce soit les acteurs qui prennent en charge cette instance, sous une forme autogérée qui reste à trouver et expérimenter, de façon à ce qu’elle exprime une volonté sociale, en amont de la politique publique. Il sera proposé de réfléchir à ce dispositif, devant déborder largement les organisations
dites représentatives, pour agréger les bonnes volontés au sein du corps social, actives et compétentes pour s’engager en RSE. La nomination d’une personnalité forte et indépendante à sa tête apparaît comme une des clefs de son succès. Il faut également ne pas oublier de prévoir une procédure de renouvellement pour que ce forum soit représentatif des acteurs de la société.
NB. Comme évoqué plus haut, on ne manquera pas de se désoler de constater que le gouvernement a accepté de revenir au détour de la loi bancaire, deux mois après l’adoption de la loi Grenelle 2, fondée sur le consensus du Grenelle, sur une disposition incitant à faire figurer l’avis des parties prenantes dans le rapport RSE intégré au rapport de gestion. En revenant en catimini sur cette disposition, on en dit long sur la crainte du débat et la confiance dans le compromis collectif. Nous sommes loin encore du climat allemand dynamique…
S’il se mettait en place cette « plate-forme de dialogue public » sur la RSE, on peut imaginer que se dessinent des orientations consensuelles entre les divers acteurs, en posant des priorités et en imaginant des « contrats d’action et de progrès volontaires », pour les proposer ensuite au gouvernement et aux élus. Deux directions de progrès majeurs pourraient émerger, au vu des fragilités françaises actuelles en matière de modèle économique et social.
La première devrait concerner l’intégration des jeunes générations dans le processus de production. C’est une urgence pour la France, Le gaspillage de ses talents et des espérances des jeunes générations, est aujourd’hui à un niveau particulièrement préoccupant, voire inacceptable. Il semble qu’à l’issue du débat sur la réforme des retraites, cet enjeu puisse servir de terrain de reprise de la politique contractuelle. Ce serait l’honneur des entreprises que de le traiter sérieusement avec la collectivité.
Le deuxième défi concerne la relation équitable au sein de la chaîne de valeur ; c’est là aussi une priorité des politiques nationales de DD, si on veut favoriser le développement des PME-PMI et les intégrer dans un processus d’enrichissement et non d’appauvrissement, lorsqu’elles contractent avec des acheteurs importants, coordonnant leur politiques et dont elles sont totalement dépendants.
Conclusion
Ces réflexions d’ensemble, nourries par l’expérience des acteurs économiques agissant au sein d’Entreprise et Progrès, amènent à élargir encore le constat : n’en restons pas à nos désaccords internes et surmontons les pour développer l’emploi, les revenus et la connaissance. Dès lors que notre intérêt économique est de faciliter l’intégration par nos entreprises d’innovations technologiques et de pratiques sociales qui vont dans le sens du développement durable, la
communauté économique toute entière devrait s’attacher à favoriser une triple impulsion :
a) Venant de la société civile toute entière - ONG, syndicats, experts…- le souci de trouver des « compromis de progrès » pour faire avancer la logique économique dans le sens du modèle durable, de façon négociée et partenariale, ce qui ne conduit en rien à confondre les responsabilités des uns et des autres mais qui doit réduire les blocages et les violences. D’où la
proposition qui est faite de mettre en place des « contrats de progrès durable » qui engageraient mutuellement une entreprise et un acteur, public ou privé, pour faciliter l’intégration concrète de dispositions, en y apportant chacun des éléments facilitateurs et en évaluant publiquement les résultats accomplis.
b) Venant de l’Etat, la nécessité d’introduire désormais dans les politiques publiques la préoccupation de pouvoir s’appuyer sur des entreprises en logique durable, en les associant à la conception et au suivi de sa stratégie nationale de développement durable et en faisant de la démarche du secteur public une politique de référence, dont l’évaluation est une occasion de
débat. Pour cela, nous proposons que l’Etat élargisse le suivi du Grenelle de l’environnement à tous les acteurs intéressés et ne le réserve pas aux acteurs institutionnels et qu’il publie un rapport d’évaluation sur les progrès des entreprises publiques, des établissements publics et des
administrations, sur les mêmes bases formelles imposées aux entreprises.
c) Venant aussi de la communauté internationale : l’intégration des normes sociales et environnementales, d’une façon progressive, est un des enjeux de la régulation mondiale, qui ne se fera pas de façon autoritaire mais bien volontaire, dans un contexte de libre échange croissant. En coopérant avec les organisations impliquées, internationales mais aussi privées, dédiées à
ces problématiques, la France peut éviter de voir ses entreprises pénalisées. La dimension géopolitique du sujet, aujourd’hui traité au G20 parmi les grandes questions de la régulation mondiale, doit nous inciter à travailler collectivement sur les contenus des normes montantes, leur reporting et leur implication dans les termes de l’échange. Nous proposons que dans le cadre
du G20 qui sera présidé par la France se tienne une conférence des parties sur le lien entre la régulation macro-économique et la régulation microéconomique, au travers de normes de responsabilité sociétale que les Etats devraient encourager et évaluer, pour orienter leur politique publique en faveur de comportements vertueux à la base (rôle des marchés publics
essentiellement).
Troisième Partie
Dix propositions pour créer un cadre partenarial de croissance durable partagée.
Entreprise et Progrès met en débat ces 10 propositions en vue de faciliter la mise en oeuvre du développement durable dans une économie ouverte et compétitive.
1- Réformer le cadre national du débat public en le confiant aux acteurs de la société. Passer d’une autorité administrative (CNDP réformée) à une véritable agence d’expertise tripartite Etat-Entreprises-Société, indépendante, afin de proposer des « contrats d’élaboration » engageant les parties. Cette agence aurait des pouvoirs d’auto-saisine et une fonction arbitrale et de médiation, ainsi que d’évaluation des recommandations appliquées, afin de faire valoir l’opinion des acteurs sociaux en amont des décisions des maîtres d’ouvrage et de l’administration.
2- Cette démocratisation réelle du débat public serait l’occasion de renforcer la place de l’expertise scientifique et industrielle en créant un statut de l’expert et une « liste », pouvant être sollicitée par les acteurs, chaque fois que de besoin, dans le cadre de débats publics ou d’études spécifiques. Ces experts fonctionneraient sur la base d’une transparence vérifiée de leurs compétences et de leurs intérêts et seraient astreints à une méthodologie les engageant ; leur gestion et leur rémunération seraient pris en charge par l’agence du débat public. La règle de l’expertise contradictoire pourra être consacrée grâce à ce dispositif. Ils devraient être recrutés à part égale venant du monde industriel, du monde de la recherche et du monde
social ou de la société civile.
3- Engager une mise à plat et une réflexion prospective sur la fiscalité incitatrice au développement durable, de façon à la simplifier, à la rendre lisible et stable pour qu’elle joue son rôle correctif, et afin qu’elle encourage la péréquation entre les démarches vertueuses au détriment des démarches moins responsables. Cette réflexion devrait déboucher sur des
expérimentations et des démarches volontaires, de façon à créer des dispositifs de référence, avant toute généralisation. Cette réflexion serait le premier volet d’une politique nationale de RSE que la France, à la manière de Page 32 Compétitivité française et développement durable Entreprise et Progrès l’Allemagne, devrait ainsi consacrer officiellement et promouvoir. Il devrait être complété, dans un deuxième temps en proposant des engagements de progrès aux branches et aux entreprises volontaires.
4- Inciter les acteurs publics (Etat et collectivités) à passer des « contrats d’action de développement durable » public/privé (CADD) , permettant aux entreprises de s’engager sur des voies à long terme, en bénéficiant de contreparties et de conditions appropriées ; des préférences dans les marchés publics, des taux spécifiques dans l’application des crédits d’impôt recherche ou de taxation locale, voire d’IS, doivent être imaginés et proposés pour que les entreprises vertueuses en matière d’impact social et environnemental soient encouragées. Une étude approfondie devrait être lancée en ce sens.
5- Engager une stratégie internationale de promotion de la RSE dans les échanges internationaux, conformément aux recommandations européennes, afin de faire des clauses sociales et environnementales un référentiel suivi des conditions d’importation et d’investissement international. Les autorités et les entreprises françaises devraient prendre position sur les recommandations du rapport du Parlement Européen sur ces questions, en
vue d’en faciliter l’adoption et d’inciter l’UE à les supporter au sein des instances de gouvernance internationale : OIT, OMC, OCDE, G20.
6- Autour des acteurs concernés, les organisations d’entreprises devraient favoriser la mise en place d’un « forum national RSE » – entreprises, ONG, syndicats, administrations – de suivi et d’encouragement de la politique RSE, dans la suite du Grenelle, afin d’accompagner l’application de la stratégie nationale de DD et d’appuyer l’action diplomatique de la France dans ce domaine. Une telle plate-forme, gérée par les acteurs et non par l’Etat, mais disposant d’un soutien administratif (agence du débat public ou Conseil Economique Social et Environnemental – CESE), devrait fonctionner en lien avec le nouveau CESE. Elle jouerait un rôle d’avis et de proposition en amont des décisions publiques de RSE.
7- Dans le cadre d’une politique publique de promotion de la RSE, il est souhaitable de faire des organisations professionnelles représentatives des activités (branches), les acteurs de politiques sectorielles de développement durable et de RSE dans la communauté économique. En
sollicitant les fédérations, notamment dans l’élaboration des indicateurs de reporting sectoriels, et la définition de contrats de progrès, les pouvoirs publics disposeraient d’un outil d’évaluation supplémentaire et d’encouragement des initiatives. Les branches ont vocation à mener les dialogues courants avec les parties prenantes pour le compte de leur entreprise.
8- Pour appuyer une politique nationale de RSE affichée de façon volontariste, incarnant un modèle de développement français et européen, il est devenu nécessaire de constituer au sein de l’Administration, à travers le commissariat au DD, une compétence unique interministérielle de suivi et de négociation des politiques de RSE, s’imposant aux autres départements et servant d’interface et d’interlocuteur aux organisations professionnelles, aux syndicats et à la société civile. L’intérêt d’une administration spécialisée est de doter l’Etat, à travers cette instance, d’une expertise en RSE, afin de formaliser une politique d’encouragement en ce sens et de remettre au Parlement son évaluation prévue par la loi Grenelle 2.
9- Inciter l’ensemble des acteurs professionnels des filières des « écoindustries » à se regrouper au sein d’une instance de coordination nationale pour incarner la promotion et les intérêts de ces activités et contracter des engagements à long terme incitatifs avec la puissance publique. Ce dispositif contribuerait à faire reconnaître et connaître l’excellence française dans les technologies du DD, notamment aux yeux de l’opinion publique. Donner à cette représentation un label international (France Green techs) pour le promouvoir mondialement dans le prolongement des efforts menés par les professionnels (en particulier l’association Pexe) et
Ubifrance, participerait utilement de cet encouragement.
10- Faire avancer l’intégration des jeunes générations et la relation grande entreprise - PME comme les deux axes fondamentaux des politiques publiques et privées de développement durable et de RSE. Sur ce deuxième volet, les actions d’accompagnement de la part des donneurs
d’ordre doivent être privilégiées par rapport aux déréférencements. Des soutiens spécifiques (bancaires, marchés publics, conseils) doivent être orientés en ce sens. Le rôle des assemblées consulaires devrait être de s’assurer de la qualité des liens fournisseurs donneurs d’ordre sur le terrain et de favoriser des pactes de soutien territoriaux durables, localement et à l’exportation. Sur le premier volet, le soutien aux nouvelles entreprises devrait bénéficier d’un cadre de tutorat de la part des groupes installés. Ce pourrait être un volet du « pacte pour la jeunesse » que la communauté économiquese doit proposer pour impulser la vraie « durabilité » de notre société.
« L’Homme au coeur de la vie de l’entreprise, L’entreprise au coeur de la cité »
Notre Mission
Mettre l’homme au coeur du projet de l’entreprise et mettre l’entreprise au coeur de la Cité pour faire progresser harmonieusement, l’économique, le social et l’environnement.
Nos valeurs
o Le progrès ne se décrète pas : il se construit, et la façon de faire (gouvernance) vaut autant que ce que l'on fait.
o Le progrès économique, social et environnemental doit se construire avec la participation active des salariés de l'entreprise.
o L’innovation est la clé de voûte du progrès et de notre action.
o La prospérité résultant du progrès doit être équitablement répartie en fonction des efforts consentis par chacun des acteurs de l’entreprise.
o Le dialogue social est une condition incontournable du progrès et du succès de l'entreprise.
o Le respect réciproque (entre l’entreprise et ses salariés) et la transparence dans la communication sont des conditions du progrès et du succès de l'entreprise.
Nous offrons à nos adhérents
o Un réseau actif de réflexion et d’échanges entre entreprises de toutes tailles (grandes entreprises, PME), de tous secteurs (industrie, services) et de toutes origines (françaises, étrangères).
o Une approche pragmatique fondée sur la méthode des « chantiers » auxquels participent personnellement les chefs d'entreprise et leurs collaborateurs directs.
o Une capacité d'anticipation : les chantiers répondent aux préoccupations actuelles et futures des entreprises adhérentes pour les aider à gérer le changement.
o Une capacité de communication et d'influence vis-à-vis des parlementaires, gouvernants et médias : des rencontres institutionnelles ou ad hoc sont régulièrement organisées afin de permettre des contacts directs à tous les adhérents.
Notre caractère
o Humanisme : l'homme est au coeur de l'entreprise et l'entreprise contribue à améliorer la vie des hommes.
o Iconoclaste: nous ne sommes pas inféodés au « politiquement correct ».
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